Fondements d'une spiritualité laïque
1) Élaborée en conscience
Une spiritualité laïque est une spiritualité élaborée en conscience, sans dogme, ni croyance.
Et qu’est-ce qu’une spiritualité ?
Comme nous l'avons vu, l’essence de la religion, du yoga, de la spiritualité et du bonheur est commune : c’est de se relier à soi (corps, cœur, esprit), à l’autre et à la création. In fine, à la totalité.
Une spiritualité est donc un ensemble de moyens pour se relier à soi, à l’autre et à la création.
Elle sera dite laïque lorsque ces moyens ont été identifiés en conscience.
Une spiritualité laïque s’inscrit ainsi dans l’inspiration des Lumières, du « Sapere aude » d’Horace [1] repris par Kant comme « Aie le courage de te servir de ton propre entendement » [2] ; de penser par toi-même.
2) Les deux piliers : conscience-perception et béatitude.
La conscience-perception anime le corps (les cinq sens), le cœur (émotions, sentiments) et l’esprit (cognition).
C’est cette perception qui me permet de me relier, à moi pour commencer : apprendre à situer mon bien-être, discerner ce qui est bon pour moi et ce qui ne l’est pas.
Tel est le point de repère : la béatitude ressentie.
La béatitude recouvre les énergies de plaisir, d’amour, de joie et de paix.
Elle est déjà toute dans la moindre sensation d’ouverture et d’expansion dans le corps.
Aussi ces deux piliers, conscience et béatitude, sont indissolublement liés, à l’image du yin et du yang, et constituent « le centre » de l’être humain.
3) Une démarche de type scientifique : expérimentation et observation.
Elle fait donc appel à une pleine responsabilisation [3], soit au maître intérieur.
4) Le terrain de jeu est la totalité ; pas de distinction profane / sacré.
Une spiritualité laïque ne peut se situer que dans une ouverture à 360 degrés, une inclusion de la totalité du réel. Sans séparation entre le matériel et le spirituel.
Une spiritualité laïque aborde tous les aspects du réel en conscience.
Tel est le marqueur du sacré : l’attitude, la conscience, le respect et l’attention que celle-ci engendre.
5) Ce qui conduit le maître intérieur à être secondé par le maître extérieur que constitue le réel, la vie.
En effet, comme le dirent les chamanes animistes ou les rishis indiens dès l’Antquité et comme la physique quantique l’a désormais démontré : tout est énergie, tout est vibration ; rien n’est séparé, tout est en résonance. Aussi, la dimension de « miroir » du réel, de l’extérieur comme reflet de l’intérieur, est peu contestable. Celui-ci fournissant retours et indications sur nos expériences et le chemin à suivre.
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Le shivaïsme tantrique et le Vedanta sont, à mon sens, des approches spirituelles laïques. De fait, ce sont les textes de ces traditions qui m’ont donné les principales clés.
Cependant, dans ces textes élaborés à partir de l’expérience des sages, la vision cosmique, le vocabulaire employé, les symboles ou déités évoqués etc. peuvent rendre le message difficile d’accès en Occident. Aussi, j’en ai extrait les éléments qui me paraissaient les plus essentiels et directement utilisables.
Dans la pratique, ces éléments sont voisins de l’approche proposée par Eckhart Tolle dans Le pouvoir du moment présent ainsi que de la pleine conscience proposée par Thich Naht Hanh [4] et de l’approche plus clinique du Pr Jon Kabat-Zinn, qui en dérive. Ces éléments rejoignent également les perceptions de différents poètes et philosophes occidentaux ainsi que de psychologues contemporains, comme nous l’avons vu.
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La spiritualité sera laïque ou ne sera pas. Élaborée en conscience et embrassant la totalité.
Et la laïcité sera spirituelle ou ne sera pas.
Car en l’absence de sens, de perspective autre que le matérialisme, la laïcité s’essouffle.
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[1] En latin « Ose savoir ».
[2] In Qu'est-ce que les Lumières ?
[3] « Faire reposer sur [l’homme] la responsabilité totale de son existence » Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Nagel, 1970, p. 24.
[4] Le miracle de la pleine conscience, L’Espace bleu, 1996.