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La révolution de la méditation

Deux compréhensions erronées sont inscrites au cœur de la société occidentale et empêchent son évolution actuelle,  la maintiennent dans l’impasse de la fuite en avant matérialiste et de la destruction écologique.

En modifiant ces compréhensions, il est possible de sortir de cette impasse et de poser les fondements d’une civilisation durable.

Ces deux fourvoiements sont :

 

1) La réduction de la conscience à la pensée

 

Descartes : « Je pense donc je suis [1]. »

Non.

Je perçois = je prends conscience = je suis.

La conscience de la conscience ou la conscience de l’être revient au même.

Ce qui compte, c’est la prise de conscience.  

 

Pascal : « L’homme est un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant [2]. »

Là encore, la conscience est réduite à la pensée.

Or, ce qui distingue l’être humain au sein de la création, ce n’est pas uniquement la pensée.

La conscience ou perception consciente s’expérimente aussi sur les plans du cœur et du corps.

La conscience permet, par exemple, la dimension d’amour inconditionnel.

Elle permet aussi la maîtrise de l’énergie physique ainsi que toutes les formes de raffinement sensuel : l’art culinaire, l’art du toucher…

Ainsi, l’être humain est un roseau conscient. Et il peut expérimenter cette conscience-perception à travers le corps, le cœur et l’esprit.

 

Intégrer cette compréhension représente une révolution, un changement de centre de gravité, et c’est le premier aspect de la révolution de la méditation :

passer de la conscience-pensée (réduite au mental rationnel) à la conscience-perception, option corps, cœur ou esprit.

Cela libère tout le champ du cœur et du corps, et permet de moins subir les gesticulations et autres inconsistances du mental.

 

La conscience-perception, c’est l’attention : je perçois.

Sans commentaire ni jugement [3].

Cette conscience-là permet de lâcher le mental.

Ce qui est fort utile à l’heure où l’information nous inonde.

Par exemple, en cas d’emballement : simplement revenir à la perception directe [4]. Ou à « Je suis ».

Le mental rationnel et technique a été une étape essentielle de la conscience et du cheminement de l’humanité, et on peut lui rendre hommage.

À présent, la civilisation occidentale arrive à épuisement de ce stade d’évolution, de ce mental rationnel et de ses gadgets et bavardages.

Pour aller au-delà, place à la perception, place à la présence.

Cela permet l’accès à une réalité bien plus vaste et plus riche en sensations et en émotions.

 

 

En résumé, le premier aspect de la révolution de la méditation :

Aller au-delà du mental.

Eprouver : « Je perçois ». Sans commentaire ni jugement.

 

                                                                

 

[1] Certains exégètes soutiennent qu’il s’agit là d’une mauvaise compréhension de Descartes, le « donc » étant supprimé dans les Méditations métaphysiques : « Je suis, j’existe : cela est certain. » Descartes revient toutefois au « donc » dans Les principes de la philosophie. Quoi qu’il en soit, le fait demeure que le cogito est entré dans l’Histoire et le sens commun en tant que « Je pense donc je suis ».

 

[2] Pensées, 231 (édition Sellier) ; cf. aussi « Toute la dignité de l’homme est en la pensée. » (626 et 232) ; et 143, 628… Remarquons que cette sacralisation de la pensée a des racines antérieures, jusqu’à Platon notamment et sa sacralisation du monde des Idées, de l’Intelligible.

Thomas Dilan, spiritualité laique, shivaisme, Rimbaud, conscience-perception, amour, communion nature, méditation, Onfray

Le second fourvoiement est le suivant :

 

2) La supposée nécessité du divertissement

 

Pascal constate : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. » Dès que l’être humain se tourne vers l’intérieur, c’est la détresse [5].

C’est notamment en raison du premier fourvoiement qu’il en est ainsi : le mental raconte de telles histoires…

Désemparé, Pascal conclut : tout le malheur de l’homme vient du fait qu’il ne peut pas rester tranquille dans une pièce et être heureux comme ça.

 

Le Vedanta et le shivaïsme, comme le bouddhisme, renversent cette équation :

tout le bonheur de l’être humain va venir du fait qu’il va apprendre à rester assis tranquillement et à être heureux comme ça.

La méditation ou une nouvelle politique de la chaise vide.

 

On retrouve ici la plénitude de Voltaire :

« Le paradis terrestre est là où je me trouve [6]. »

Éprouver ici et maintenant : tout est atteint [7].

= La méditation.

Le bonheur s’appuie sur l’intérieur.

 

C’est le deuxième aspect et le cœur de la révolution de la méditation :

placer l’attention non plus à l’extérieur mais à l’intérieur.

Accepter cet espace.

 

Accepter que la méditation, cette conscience-présence, soit le point de départ et d’arrivée de toute action, et même de toute civilisation.

 

Il ne s’agit en rien de nier l’extérieur, magnifique champ d’expérimentation pour la conscience.

Il s’agit de l’aborder différemment : non plus comme une fin en soi, mais davantage comme un moyen. En restant connecté à l’intérieur et à ce que l’expérience me fait.

L’intérieur est la voie et le but.

*     *     *

C’est un remède décisif pour l’Occident et la mondialisation.

 

Car de cette régulation par la présence découle en fait toutes les autres régulations nécessaires.

En effet, l’équation énergétique mondiale actuelle peut se résumer, dans sa plus simple expression, à un excès de yang (d’extériorité) et un déficit de yin (d’intériorité, de ressenti).

L’impasse du mode de développement actuel et la crise écologique qui en découle peuvent se résumer à cet excès de yang et ce déficit de yin.

Ce déséquilibre peut être rétabli par plus de présence, et la méditation en est un vecteur essentiel.

Aussi, l’enjeu de la méditation n’est plus seulement le bonheur et le développement personnel de quelques privilégiés. L’enjeu en est une appropriation dans le champ politique, car c’est désormais le destin de la cité qui est en cause.

 

Une appropriation de la méditation (quelques minutes par jour suffisent) au sein de la cité, de l’école pour commencer, nous apparaît comme une clé décisive pour sortir de l’impasse du mode de développement actuel.

 

Le jour où les peuples occidentaux et leurs responsables auront cette perception, déjà juste cette perception, le plus gros du chemin sera fait.

 

La première nation qui intégrera la méditation dans ses valeurs et son dessein collectif obtiendra un leadership décisif.

En outre, ses citoyens auront accès à une meilleure intériorité et donc à une meilleure créativité.

La France, qui est peut-être la nation à avoir le plus intériorisé les fourvoiements de Descartes et de Pascal, est peut-être aussi la nation la plus à même d’ouvrir cette révolution de la méditation.

 

Une minute de silence par jour peut transformer le monde.

 

                                                             

 

[3] Cf. la définition de la Pleine conscience donnée par le Pr Jon Kabat-Zinn : « état de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger [ni lui, ni soi], sur l’expérience qui se déploie instant après instant (in Mindfulness-based intervention in context : Past, present and future, 2003 – Clinical Psychology : Science and Practice, 10, 145).

 

[4] Cf. Chögyam Trungpa : « Percevoir c’est sagesse, en penser quoi que ce soit, c’est tourner dans le samsara [le monde illusoire de la forme] » (in Folle Sagesse. Seuil – Points Sagesses, 1993, p. 184).

 

[5] Pensées, 233, et 168 : « le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près. »

 

[6] In Le mondain.

 

[7] Cf. Swami Muktananda, Méditez. Saraswati, 1994.

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